• Tammouz Al-Douri « pense l’émancipation » à travers la discrimination indirecte

    Tammouz Al-Douri  « pense l’émancipation » à travers la discrimination indirecte

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Tammouz Al-Douri , jeune juriste rhônalpin participe ce week-end, en tant qu’intervenant, à la seconde édition d’un grand colloque international  intitulé « Penser l’émancipation » qui a lieu à Nanterre (du 19 au 22 février 2014). Doctorant à l’EDARA (Ecole des Avocats de Rhône-Alpes), ce dernier tentera une approche critique du racisme par le droit français en le confrontant  aux apports de la Critical Race Theory venue des Etats-Unis, notamment la notion de discrimination indirecte. Keep Qalam l'a rencontré pour vous. 

    Tammouz Al-Douri , d’origine irakienne, peut se targuer, à 25 ans d’avoir un parcours assez riche et complet : diplômé de l’IEP de Lyon, il enchaîne un master 1 et 2 en droit public à Lyon II. Originaire de Clermont-Ferrand, il avait débarqué à Lyon dans le but de se constituer le solide  bagage universitaire qui lui ouvrira les portes de l'EDARA avec succès.

    « Je souhaite me spécialiser en droit public mais je suis particulièrement intéressé par tout ce qui touche à la discrimination  bien que ce ne soit pas encore très bien formalisé en France », précise-t-il.

    Ayant effectué un passage par le parti socialiste au sein des MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes) qu’il quitte au bout de deux ans, il intègre par la suite le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) où il est actif  depuis l’ouverture de l’antenne lyonnaise.

     

    Un méga colloque international à Nanterre

    « Penser l’émancipation » c’est avant tout un réseau articulé autour d’universitaires, intellectuels  et militants à l’échelon international. Son objectif : placer l’émancipation au centre du débat social et des recherches. Cette deuxième édition rassemble plus de 200 intervenants et se fait en partenariat avec le laboratoire Sophiapol (Laboratoire de sociologie, philosophie et anthropologie politique).

    L’idée est de rassembler toutes les formes de pensée critique ayant comme objet, dans une perspective émancipatrice, la lutte contre les dominations de plus en plus brutales présentes dans la société et   induites par un « monde capitaliste bouleversé ». (1)

     

    Tammouz Al-Douri  « pense l’émancipation » à travers la discrimination indirecte

    Site internet du colloque avec toutes les informations : cliquez ici 

    Programme détaillé : là.

     

    C’est à ce titre que le colloque s’articule autour de thématiques  aussi diverses que variées telles que : critique du travail, Etat et domination, racialisation et luttes antiracistes, nouvel impérialisme, formes de l’émancipation, critique de la culture…

    Ce samedi 22 février Tammouz al-Douri va donc apporter son expertise de militant engagé avec une approche juridique, son domaine de prédilection.

     

    Les apports de la Critical Race Theory et la discrimination indirecte

    Notre jeune juriste, avait déjà publié, pour la revue web Contretemps, un article au sujet de la Critical Race Theory (CRT)  intitulé :  «  Sous l’universalisme, les discriminations indirectes ». Cet article très complet , que nous vous invitons à lire pour avoir une définition de ce qu’est la CRT,  lui a valu de se faire remarquer par les organisateur du colloque.

     

    La Critical Race Theory, née au début des années 80,  est un mouvement émanant de juristes et intellectuels. Cette discipline, issue du constat que l’acquisition des droits civiques aux Etats-Unis n’a pas solutionné la discrimination 30 ou 40 ans plus tard, appréhende le lien entre le racisme, le droit et le pouvoir. Tammouz al-Douri précise dans son article sur Contretemps : « C’est également dans ce contexte que des analystes, principalement dans le champ de la sociologie, vont changer de regard sur la discrimination en l’envisageant non plus seulement comme la conséquence d’un comportement individuel mais comme le produit d’un système ».

    Tammouz Al-Douri va donc préciser la notion de discrimination indirecte, issue de ces réflexions et études outre-atlantiques, d’autant plus que l’Union Européenne, courant années 2000, avait enjoint les états membres de se munir de cet outil juridique. La discrimination indirecte, qui n’est pas inconnue en France mais très peu utilisée, englobe des pratiques, des mesures, des actions neutres (donc non discriminantes en soi) mais qui aboutissent, dans leurs effets, à exclure : elles impactent de manière négative une minorité, une communauté, un groupe, un individu.

    Essayons d’illustrer ce concept par un exemple fictif de discrimination indirecte sur critère racial.  Imaginons qu’un salarié d’origine étrangère entre dans une entreprise et qu’au bout de 10 ans il ne parvienne pas à évoluer alors que la plupart de ceux qui ont rejoint l’entreprise en même temps que lui y parviennent. Si ce salarié peut arriver à montrer  par des preuves (statistiques, courbes d’évolutions…)  que le caractère déterminant  de cette stagnation est une discrimination raciale à son encontre et non pas un autre critère valable tel que le diplôme ou  les compétences, alors ce dernier, victime de discrimination indirecte, peut obtenir réparation de ce préjudice devant la loi. (2)

     

     

    Tammouz Al-Douri  « pense l’émancipation » à travers la discrimination indirecte

     

    « La discrimination indirecte est un peu une révolution intellectuelle dans la manière d’enrayer les phénomènes de discrimination, surtout en France. La discrimination directe est réglementée depuis les années 70 en et est réprimée au pénal mais ce droit là ne prend pas en considération les pratiques neutres (ou d’apparence neutre) qui mènent au même résultat alors que ce sont paradoxalement les plus nombreuses », explique Tammouz al-Douri.

    La discrimination indirecte est d’autant plus complexe qu’elle peut être consciente ou inconsciente. Par exemple, la loi sur le niqab (voile intégral), d’un point de vue philosophique, peut être envisagée comme une discrimination indirecte même si elle utilise des termes neutres comme « dissimulation du visage  » au sein de l’espace public. Dans les faits, elle désigne pourtant un groupe en particulier : le policier qui doit faire appliquer cette loi sait pertinemment vers quelle communauté se tourner.

    Détecter la discrimination indirecte n’est pas chose aisée car elle s’applique  à des  victimes qui font état d'un « sentiment d’injustice » sans arriver à l’expliciter clairement. Toute la question est de savoir comment transposer sur un plan juridique cette discrimination indirecte, qu'il faut pouvoir déceler en l'absence d'outils qui le permettraient (statistiques ethniques par exemple) mais  dont les effets sont bien réels sur les individus.

     

    Ainsi, l’enjeu que pose la discrimination indirecte  pour le droit français est donc de taille et vient donner un sens à la notion de droit évolutif  dans une société réclamant justement de la régulation en matière de racisme et de discrimination. 

     

     

    Note : Certaines interventions de ce colloque sont filmées pour une diffusion au grand public. Keep Qalam patagera l'intervention de Tammouz Al-Douri sous réserve que celle-ci soit bien concernée par un éventuel enregistrement.

     

    - Mbarka BHM - 

     

    Pour aller plus loin : 

     - Des informations et interventions filmées sont disponibles dans le fil d'actualité de l'événement facebook du colloque : cliquez ici 

    - Mémoire de Master de Tammouz Al-Douri : "En quête d'égalité réelle "

     

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    (1) Termes employés dans la présentation réalisée par les organisateurs du colloque sur leur site internet. 

    (2) Un exemple de discrimination indirecte sur le critère du handicap avec le cas Easyjet

     

     

     

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